On interviewe Chlorollform

Toujours dans la suite de notre série “5 questions à une joueuse jeune maman”, cette semaine c’est Céline, aka Chlorollform, aka Gillis, qui partage son expérience avec nous.

 

Question : Peux-tu te présenter pour nos lecteurs ?

Réponse : Chez les Namur Roller Girls, tout le monde m’appelle Gillis. J’ai 32 ans et je suis joueuse de roller derby depuis 2013. Quand  j’ai commencé ce sport, j’ai alterné les saisons et les grossesses avec les naissances de ma fille Auxane en 2015 et de mon fils Ellis en 2017. Maintenant que j’ai atteint mon quota d’enfants, je compte bien enchaîner quelques saisons sans interruption et vivre ce sport jusqu’au maximum de mes capacités. Dans ma tête, tout a toujours été clair, avec ou sans enfants, je veux faire du roller derby et il est hors de question qu’être maman soit un frein. Sur le track, je ne renie pas mon rôle de mère, je le mets juste entre parenthèses, comme je le fais avec ma vie de joueuse quand je m’occupe de mes enfants. C’est une question de compromis, pas toujours simples certes, mais c’est possible !

 

Q : Comment as-tu vécu ta grossesse au sein du sport ?

R : En alternant quasi une année sur deux, une saison et une grossesse, j’ai eu du mal à visualiser mes progressions et à me situer par rapport à mon niveau. Durant mes deux grossesses,  je n’ai pas eu le courage de suivre tous les entraînements. Imaginez-vous plusieurs mois sur le bord du track sans pouvoir mettre vos patins, tout en voyant vos co-équipières évoluer, il y a de quoi être fière de ses copines tout en ayant le cafard ! Mais je n’ai pas perdu ma motivation pour autant et je suis restée impliquée dans ma ligue autrement. Le roller derby ce n’est pas que des joueuses-eurs, il y a plein d’autres rôles possibles : NSO (ndlr : arbitre sans patin), bénévole, membre de comités, etc. Pour moi, il était essentiel de rester active, sans quoi je risquais de décrocher complétement. Par ailleurs, ce qui a également été important, c’est la bienveillance naturelle avec laquelle ma ligue a fait en sorte que je me sente toujours incluse dans la bande malgré mon statut de « joueuse hors service ».

 

Q : Comment s’est passée ta reprise du roller derby ?

R : Pour ma première reprise, comme je n’avais qu’une année d’expérience, j’ai dû (re)montrer que je maitrisais toujours les bases. C’était assez frustrant car j’étais impatiente de réintégrer l’équipe mais heureusement pour moi, ça n’a pas duré longtemps.  La seconde fois, j’étais beaucoup plus stressée. Plus le temps passe, plus les équipes changent de visages et montent en niveau et en stratégie. Des questions se bousculaient dans ma tête : Est-ce que j’arriverai à retrouver ma place dans l’équipe ? Est-ce que mon corps et mon mental vont suivre ? Est-ce que je vais évoluer assez rapidement pour ne pas faire tâche sur le track ? Je me sentais parfois comme une intruse, perdue en tant que bloqueuse ou inefficace en tant que jammeuse. En effet, ce n’est pas une surprise si je vous dis que le corps change après une grossesse. Quelques kilos en trop, un cardio et des muscles en mode « chill » et un demi-cerveau au rendez-vous car l’autre moitié est restée à la maison, il y a de quoi suer quelques piscines et être à la masse à la reprise. Mais à nouveau, ce n’est qu’une question de temps et il faut savoir être patiente et écouter son corps.

 

Q : Etre maman, ça a changé quelque chose dans ta vie de joueuse ?

R : C’est sûr qu’avec des enfants, je ne peux pas juste préparer mon sac de derby et claquer la porte. Faut toujours checker les agendas de la famille. J’ai la chance d’avoir un conjoint très conciliant et en général c’est lui qui s’y colle. Mais lui aussi à ses propres activités et on n’est pas à l’abri de conflits horaires et là, je m’estime heureuse d’avoir des proches sur qui compter, sans quoi ma vie de joueuse ne serait pas possible. Durant les entraînements, c’est devenu une dualité entre veiller à ne pas me blesser pour pouvoir  continuer à gérer les enfants (et pas spécialement pour moi), et me mettre du challenge et oser car plus rien n’est censé m’arrêter (plus de grossesse à l’horizon). En match, c’est devenu d’autant plus satisfaisant de me rendre compte de quoi je suis capable après ces deux arrêts et de voir où me mènent mes efforts à concilier ce sport avec ma vie de maman. Le summum, c’est quand mes enfants sont dans le public et que ma grande m’encourage et est fière de moi quelle que soit l’issue du match.

 

Q : Quel conseil donnerais-tu à une maman qui souhaite reprendre le roller derby ?

R : Il va de soi qu’il est indispensable d’être bien entourée pour assurer vos absences. Après, le retour sur le track mêle à la fois inquiétude et impatience, mais quoiqu’il arrive, prenez le temps et écoutez-vous. Ne vous comparez pas aux autres car on est toutes différentes. Relativisez et voyez dans chacune de vos progressions, mêmes les plus minimes, une fierté personnelle. Si vous vous sentez perdue, prenez le temps de discuter avec vos co-équipières. Vous vous rendrez surement vite compte que le regard des autres met en avant chez vous bien des qualités de joueuse que vous n’arrivez plus à percevoir. Et pour finir, ne culpabilisez pas par rapport à votre progéniture. On a toutes le droit, voire l’obligation, de s’octroyer des moments pour soi en dehors de la conjointe, la maman, la collègue, la fille et toutes ces figures de femmes que l’on incarne durant notre vie. C’est essentiel d’avoir des instants pour faire ce que l’on veut, que ce soit du roller derby ou autre, que l’on soit maman ou pas !

 

 

Crédit photo : David van Elslande